Cette conférence a réuni :

  • Rémi Cuinat, Directeur des actifs en unités de compte chez Generali
  • Jean-Marie Catala, Directeur Général Délégué chez Groupama AM
  • Bertrand Hild, Treasury Front Officer chez Engie TM
  • Thibault Corvaisier, Directeur de la Gestion Immobilière chez Turgot AM
  • Laurent Marochini, Directeur de l’innovation chez Société Générale Securities Services
  • Christophe Lepitre, CEO d’Iznes
  • Mathilde des Courtis, Directrice Associée chez SeaBird

Les échanges étaient animés par Nicolas Brisson, consultant chez SeaBird.

Disruption de marché ou choix contrôlés des acteurs en place ?

Dans un contexte de taux bas et d’augmentation des coûts réglementaires, les Asset Owners et les Asset Managers cherchent à défendre leur marge et essaient de réduire les coûts liés aux différents intermédiaires. Les plateformes d’investissement de parts de fonds basées sur la blockchain représentent une alternative a priori moins coûteuse que le circuit classique des banques dépositaires.  

Aujourd’hui les grands dépositaires tardent à réagir face à l’avènement de ces plateformes et sont souvent, comme SGSS, encore en phase exploratoire sur ces sujets. Cela s’explique globalement par la situation hégémonique de ces acteurs qui pousse rarement à l’innovation, et rend difficile l’émergence de modèle disruptif en interne.  

Parmi ces plateformes d’investissement de parts de fonds, Iznes est une initiative lancée par les sociétés de gestion, puis rejointe par des investisseurs institutionnels. Elle se positionne comme une place de marché pour les fonds : les investisseurs et les sociétés de gestion se connectent à la plateforme et disposent ainsi d’un canal de communication direct et sécurisé qui facilite les opérations et offre une complète transparence. Pour les sociétés de gestion, c’est un nouveau canal de distribution qui offre à leurs clients des bénéfices opérationnels et financiers considérables. 

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Un modèle qui convainc ? Entre prérequis et nécessaires évolutions

Dans les faits, les plateformes de distribution intéressent un grand nombre d’acteurs, des assureurs aux Asset Managers mais aussi des acteurs de niche et des corporates. Ainsi, portés par une forte culture digitale, Turgot AM et Engie ont adopté cette solution pour respectivement gérer leurs fonds et leur RTO (Recovery Time Objective).  

Ces acteurs y trouvent en particulier des gains de temps et de souplesse ainsi qu’une réduction de leur risque opérationnel. De plus, le raccordement du SI à la plateforme est relativement aisé et dans le cas des fonds, les coûts liés à l’utilisation de la plateforme sont supportés par l’assureur.  

Le principal frein à l’adoption de ce type de plateforme est un blocage culturel, souvent lié à l’image négative de la blockchain. Par ailleurs, tant que cette technologie ne sera pas utilisée par le plus grand nombre, les utilisateurs seront obligés de conserver en parallèle une organisation « classique », limitant les gains d’un passage à la nouvelle solution. Pour pouvoir continuer à se développer, ces plateformes devront donc forcément bénéficier d’un effet d’adoption massif, en intégrant les spécificités réglementaires propres à chaque marché. 

Une disruption de marché : vers une adoption complète ou une hybridation du modèle ?

Les plateformes d’investissement de parts de fonds proposent différents services aux Asset Owners et Asset Managers. D’abord pour les Asset Managers, ces solutions permettent de tendre vers la transparisation du passif, d’accéder à des places de marché et des zones géographiques de distribution en contournant des entités intermédiaires, grâce à la blockchain. Elles fournissent ainsi une aide à la distribution pan-européenne. Par ailleurs, comme le souligne Groupama AM, l’innovation induit des gains d’image et de positionnement. 

Pour l’investisseur, une plateforme d’investissement est intégrée dans l’architecture SI comme un dépositaire de plus. La solution est plus efficace en termes de souscription/rachat et moins coûteuse. Elle permet aussi d’avoir à nouveau des relations directes avec les fournisseurs de fonds. De plus, dans un modèle classique, un acteur comme Generali doit payer un data provider pour accéder aux données d’un fonds alors qu’il pourra le faire de manière gratuite et à tout moment sur ces plateformes, grâce à la tenue de registre sous blockchain. 

Un replay de la conférence est également disponible :

Désintermédiation : comment la blockchain va bouleverser la filière des unités de compte ? 

Aujourd’hui, Generali indique ne plus avoir d’attente vis-à-vis des dépositaires. Passer par eux est de son point de vue une contrainte réglementaire. Le seul point d’attente est la gestion de la partie cash : pour payer les souscriptions et recevoir les rachats. Ainsi, le monde de l’asset servicing sera forcément amené à adapter son offre de service et à collaborer avec ces nouveaux acteurs. Le groupe SG reste ouvert à des pratiques innovantes et est notamment impliqué dans la « tokenisation » sur les activités de marché.  

Les plateformes d’investissement de parts de fonds ont des opportunités à court terme pour pouvoir étendre leur développement, parmi lesquelles la gestion des gates sur les OPC, la gestion de classes d’actifs encore non-automatisée, la transparisation des portefeuilles ligne à ligne ou une transparisation du passif encore plus aboutie pour les distributeurs (via le développement de la segmentation de la clientèle). En parallèle, Generali envisage d’augmenter son recours à ces plateformes, en convaincant une part importante des sociétés de gestion partenaires du groupe de s’y raccorder. 

Plus spécifiquement, Iznes envisage de diversifier ses activités, grâce à une diversification produit, géographique (d’abord en Irlande et au Luxembourg) et fonctionnelle (module de calcul des rétrocessions, module de surveillance du ratio d’emprise, gestion des gates…). 

Finalement, à horizon 5 ans, Christophe Lepitre, PDG d’Iznes, estime que la blockchain devrait être adoptée massivement sur les marchés financiers. La distribution d’OPC à l’international devrait se généraliser, et on pourrait assister à l’émergence d’une monnaie numérique de banque centrale, voire à l’arrivée des GAFAM sur le marché. 

Ainsi, on observe une profonde métamorphose de la structure du marché et du rôle corolaire des différents acteurs (qu’ils soient historiques ou nouveaux entrants) et on peut raisonnablement penser que si les grands axiomes de cette métamorphose sont d’ores et déjà posés, un certain nombre de pans de l’industrie sont encore à disrupter. Les premières barrières à l’entrée ayant été levées, on peut s’attendre à une accélération de ce mouvement de disruption, jusqu’à une prochaine phase de stabilisation. 

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